Véronique Auger – Présidente du Prix Louise Weiss du journalisme européen

Femme souriante en gilet rose.
Véronique Auger, journaliste économique et présidente du Prix Louise Weiss du journalisme européen, nous parle de ses batailles pour installer le journalisme économique, les sujets sur l’Europe au sein des rédactions. Parents pauvres des rédactions, Véronique explique comment elle a convaincu, mis en place des programmes autour de l’économie et de l’Europe, dans un écosystème de doutes et d’appréhensions. Elle décrit aussi les tentatives de discrédit et le sexisme ordinaire parce que femme abordant des sujets hautement techniques.

De la passion d’une jeune fille pour l’information et l’économie… 

Au lycée j’avais deux passions : la science économique et le journalisme. J’ai eu la grande chance de pouvoir mêler les deux. Je parle de chance car, lorsque j’ai commencé ma carrière en 1981 le journalisme économique était le parent pauvre des rédactions. Notamment dans les rédactions des radios et des télévisions. Ma chance a été de sortir diplômée du Centre de Formation des Journalistes le 10 mai 1981. Le nouveau Président de la République, François Mitterrand, s’apprêtait à totalement transformer le système économique et social français et toutes les rédactions de France se devaient d’en faire état et d’expliquer aux citoyens les changements. Je n’ai ainsi jamais connu le chômage de ma vie.  

Mais, derrière cet état de fait, que de difficultés ! A RMC d’abord, puis à Antenne 2 devenue France 2 puis à France 3, il a fallu que je devienne une sorte de moine-soldat de l’actualité économique et sociale pour obtenir des rédacteurs en chef (rares étaient les femmes à ce poste à cette époque) qu’ils laissent un peu de place aux sujets économiques et même aux sujets sociaux. Pourtant il n’en manquait pas. Difficulté aussi, en tant que femme, d’aller à la Bourse de Paris où l’on ne croisait que des hommes qui sifflaient à votre arrivée. Difficulté enfin, face à de grands PDG qui, lors des interviews me parlaient du « bleu de mes yeux, que je n’aurai pas oublié si je vous avais déjà rencontrée» (sic), des ministres m’expliquant qu’à mon âge je n’avais pas les capacités nécessaires pour leur parler d’inflation. 

Aux batailles pour informer sur les enjeux socio-économiques et pour sensibiliser aux enjeux européens 

J’ai gagné beaucoup de batailles en devenant cheffe du service économique et social de France 2 à l’âge de 34 ans puis cheffe du service économique et social de France 3. J’y ai ainsi créé une rubrique économique et sociale dans le Soir 3, journal emblématique de la chaîne auprès des CSP+. Cette rubrique durait environ 3 minutes 30, avec un reportage sur l’actualité probable du lendemain, mon édito d’environ 50 secondes et un petit sujet chronique.  

J’ai ainsi inventé la chronique « informatique » et nous avons été les premiers de tout l’audiovisuel à parler d’internet et de ses conséquences sur la vie de tous les jours, ce dont je suis très fière. Ce sont d’ailleurs ces chroniques dont Nicolas Sarkozy se souvenait pour, qu’une fois devenu Président de la République, il me choisisse pour faire sa première interview. Un comble, puisque ce sont ses services qui avaient demandé ma tête à Jean Pierre Elkabbach à la suite d’un sujet qui leur déplaisait et m’avait poussé de France 2 vers France 3.  

J’en ai perdu aussi des batailles ! Mon souvenir le plus cuisant a été le refus du rédacteur en chef du 19/20 de traiter le vote de la loi sur les 35 heures. Pas important, qu’il disait ! En réalité, j’avais dénoncé son comportement harceleur au Directeur général de l’époque et il me le faisait payer.  

Mais, depuis 2001, l’Europe est mon nouveau combat. 2001, c’est l’arrivée de l’euro. Un évènement majeur que j’ai couvert en tant que cheffe du service économique de France 3. Il fallait à tout prix informer les Français sur les conséquences, les aider à comprendre, à s’en servir. Nous avons créé une petite émission en prime time. Et, oh miracle, elle a plu. J’avais trouvé une méthode pour expliquer l’Europe, parent pauvre de l’information. Partir du nombril des Français, autrement dit, de leurs préoccupations. J’ai réussi à convaincre les dirigeants de France Télévisions qu’à l’époque de la mondialisation il était de notre devoir de faire découvrir comment nos voisins européens vivaient, de découvrir leur méthode pour réussir là où nous échouions. Et de fil en aiguille, ma petite émission de 6’56 est devenue une émission de plus d’une heure. Là encore, que de batailles à mener contre ceux (en particulier les nouveaux dirigeants de France Télévisions) qui disaient que l’Europe n’intéressait personne, que les gens n’y comprenaient rien !  

Je continue mon combat, bien que retraitée. Je suis membre du bureau du Mouvement européen France, en charge des débats. Présidente du Prix Louise Weiss du journalisme européen depuis 18 ans et travaille à la création d’un Prix climat. Sans oublier les femmes avec Citoyennes pour l’Europe que je préside et les plus jeunes avec Trait d’Union qui offre des masters class autour de l’Europe aux écoles de journalisme françaises et suisse.  

Car, comment donner goût à l’Europe si l’on ne commence pas d’abord par l’expliquer ? 

  À propos de Véronique Auger : 

Véronique Auger est l’une des pionnières du journalisme économique en France. Diplômée d’une maitrise de sciences économiques et du centre de formation de journalistes de Paris et après un passage au service économique et social de RMC, elle fait toute sa carrière dans le service public (France 2 et France 3) au sein duquel elle développe le service économique et social au sein de ces rédactions avant d’être nommée rédactrice en chef 19/20 national France 3 en 1999. Après avoir interviewé le président de la République Nicolas Sarkozy en 2008, elle assure les chroniques sur l’Europe sur France 3 et Franceinfo TV puis crée et dirige l’émission “L’avenue de l’Europe” de 2001 à 2019. Retraitée, elle continue son engagement en faveur du journalisme et de l’Europe au sein de nombreuses organisations. Elle est notamment la présidente Prix Louise Weiss du journalisme européen. 

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