Jaleh Bradea – directrice diversité, inclusion et égalité des chances pour Vivendi Groupe

Jaleh Bradea, directrice diversité, inclusion et égalité des chances pour Vivendi Groupe

Les femmes face aux freins imposés par les codes de la société

Est-ce qu’il plus qu’elle choisit son lieu de naissance et son chemin de vie ?

D’après certains préceptes, on choisit son lieu de naissance, la famille dans laquelle on débarque et même son chemin de vie.

Si c’est vrai, alors je voulais vraiment que ma vie soit un combat pour l’égalité des droits pour les femmes et les hommes, l’équité et l’inclusion :
Je suis née en Iran, il y a pas mal d’années, alors qu’il y avait encore un Roi et une Reine. Je suis née fille après 2 garçons très aimés. Ma mère ne voulait pas avoir de 3ème enfant et surtout pas une fille, car même si l’Iran était à l‘époque une royauté sur le chemin de la modernité, ma mère savait bien que les femmes ne seraient pas considérées l’égale des hommes. Ce fut mon tout 1er combat…

Mais voilà on ne choisit pas son genre. Je suis née fille et j’ai fait de mon mieux pour montrer que je pouvais faire aussi bien que les garçons, que j’étais aussi forte, aussi intelligente, aussi tout. J’étais consciente qu’il y avait des différences, mais je voulais les cacher coute que coute, et même les faire disparaître si possible. Mais un jour la petite fille grandit et apparaissent alors des signes trop féminins qu’on ne cache pas si facilement.

Mon corps commençait à changer toute en discrétion, à l’inverse de mon pays qui lui changeait dans la violence.
En février 1979, eu lieu en Iran une révolution, comme vous le savez peut-être. La révolution islamique d’Iran. Je ne vais pas vous donner tous les détails, ni les difficultés qui ont été les nôtres à cette période. Ce serait trop long. Je vous dirais juste une chose contre laquelle je me suis battue. J’étais dans une école internationale mixte depuis la maternelle et l’année scolaire 79-80, post révolution, nous apporta un changement insupportable : les garçons et les filles étaient séparés et l’école n’était plus internationale. Nos livres d’histoire de 200 pages n’avaient plus que 30 pages où l’avant révolution n’existait plus.
Sur les illustrations des livres scolaires les filles et les femmes portaient un foulard sur les cheveux alors que dans la rue ce n’était pas encore le cas. En quelques mois ils avaient changé tous les livres. Ce nouveau régime voulait nier qui nous avions été, effacer notre passé

Mes parents décidèrent de quitter notre pays, notre maison, pour nous offrir une autre vie. Ils savaient qu’un pays où la religion prenait le pas sur la politique ne nous permettrait pas de grandir dans d’assez bonnes conditions.
Alors nous sommes partis. Mes frères avaient 16 et 14 ans et moi 10 ans.
Nous avons atterri en France, à Paris, pensant que ce serait pour 2 ans, pas plus. Personne ne pouvait imaginer à l’époque que ce nouveau régime resterait en place plus longtemps. Et pourtant cela fait plus de 40 ans aujourd’hui.
Mon 2ème grand combat : Apprendre une nouvelle langue, s’adapter à un nouvel environnement, habiter dans un petit appartement comparé à notre grande maison en Iran.
Il a fallu apprendre à se faire accepter alors qu’il y avait à notre égard parfois une grande méfiance. Je faisais de mon mieux pour ne pas voir qu’on pouvait nous regarder différemment. J’essaie toujours d’oublier que certains se montraient même agressifs par ignorance. Oublier qu’au lycée 4 ou 5 garçons me traitaient de terroriste. Ils me disaient : « Tu es iranienne, tu es une fille alors où est ton voile ? ». Rentrer à la maison, et surtout ne pas raconter à mes parents pour ne pas leur faire de la peine.
Je n’arrivais plus à aller à l’école sans m’enfermer dans un autre monde, je ne travaillais plus. Plus tard je compris que cela s’appelait du harcèlement. Et ça c’était dans mon très bon lycée parisien (Louis-le-Grand, lycée dit d’élite où j’avais été admise parce que j’avais d’excellents résultats scolaire), en plein quartier latin. Juste pour vous dire que l’ignorance et la stupidité se croisent partout, peut-être encore davantage à l’adolescence. Mais je suis sûre que vous le saviez.

A l’âge adulte, je me sentais chez moi en France. J’aimais ce pays et je me disais en effet que le précepte selon lequel on choisit son destin devait être vrai puisque je n’aurais pas choisi un autre pays que la France, une autre ville que Paris. J’ai été heureuse dans ma vie active réussissant notamment à porter sur les chaînes de télévision des émissions que j’estimais utiles, des émissions qui parlaient d’ouverture vers l’autre, de la richesse des cultures du monde, des différences…
Puis j’ai voulu faire de ces combats mon métier. Le combat pour l’acceptation des diversités, pour l’équite et l’inclusion.
Et pourtant pour la première fois depuis mon adolescence j’ai peur et je me sens en insécurité.
Les choses se tendent. Les inégalités se creusant, on porte la faute sur celles et ceux qui viennent d’ailleurs, celles et ceux qui souvent nés ici d’ailleurs ont une autre religion, une autre culture, Tout est la faute de celles et ceux qu’on croit différents de nous.
C’est si facile de rassembler autour de soi par la peur. Il me semblait que la France que j’aime ne céderait jamais à cette facilité-là, comme l’Allemagne l’a fait dans le siècle précédent.
Si on choisit son lieu de naissance et son chemin de vie, alors je suis là pour empêcher mon pays d’adoption, pays de liberté, celui où mes enfants sont nés, de devenir un pays d’intolérance. C’est mon 3ème combat, peut-être le plus important.

Jaleh Bradea

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