Le yankadi est un rythme de l’ethnie Sousou joué lors des rites de séduction. C’est aussi le nom que vous avez choisi pour votre startup dédiée à la vente en ligne de produits artisanaux d’origine africaine. Une coïncidence ou un signal marketing ?

Un peu des deux et un peu plus. Yankady est une marketplace qui met en valeur la culture et le savoir-faire africains, à travers les produits qui y sont vendus. Donc tout naturellement, lorsque j’ai lancé mes cherches pour le nom de ma future startup, je me suis orienté vers un nom d’origine africaine qui allait refléter la joie de vivre, le bonheur et la beauté de l’Afrique. Et là, je me suis souvenu d’une chanson Guinéenne “yankadi danse” sur laquelle je dansais avec ma famille et mes amis pendant les anniversaires et les moments de fête. Un nom qui incarne pour moi des souvenirs joyeux. Ainsi, ce nom colle parfaitement à cette aventure entrepreneuriale que je vis avec Yankadi.

 

Vous êtes né en Guinée Conakry et lorsque vous arrivez en France en 2010, vous vous passionnez pour les nouvelles technologies et l’innovation. Le management de projet, l’informatique et votre désir d’entreprendre vous conduisent à créer vos startups. La France a-t-elle vraiment été une terre d’accueil économique pour vous ?

Devenir entrepreneur n’est pas du tout une tâche facile. C’est un réel parcours du combattant qui ne se solde pas toujours par une réussite, car il y a plusieurs éléments qui entrent en jeu dans le succès d’un projet et l’environnement en fait partie.

Être en France m’a permis d’avoir un cadre favorable pour entreprendre. Il y a d’abord eu mes études supérieures. Le système d’alternance m’a donné très tôt un aperçu du monde réel de l’entreprise et l’opportunité d’échanger et d’apprendre auprès de cadres dirigeants alors que je n’étais encore qu’un étudiant. Cela m’a permis de réaliser que je pouvais aussi créer mon entreprise, car s’ils l’ont fait, je pouvais aussi le faire, même en tant qu’étranger.

Même s’il est vrai que tout n’est pas toujours tout rose en France, comme partout ailleurs, il y a ici des opportunités ouvertes et accessibles pour toute personne désireuse de les saisir.

Vous avez tout de suite décidé de créer une société avec comme objectif de promouvoir l’excellence africaine. Europe et Afrique se font face et ne se comprennent pas toujours. Vous considérez-vous comme un passeur entre ces deux continents ? L’Afrique et l’Europe n’ont-elles pas destin lié ?

J’ignore si je peux me considérer comme un passeur entre ces deux continents. En tant qu’entrepreneur, je me donne comme mission de mettre en place des solutions d’aide au développement de l’écosystème économique africain. Par exemple, la marketplace YANKADY permet d’un côté aux créateurs, artisans, industries africaines de générer des revenus en vendant leurs produits en ligne, et de l’autre côté, de faciliter la consommation des produits africains partout dans le monde.

Je suis convaincu que ce développement économique est un facteur essentiel permettant à l’Afrique de résoudre plusieurs problèmes liés par l’exemple à l’immigration vers l’Europe.

En ce qui concerne le destin, je ne sais pas si l’Afrique et l’Europe ont un destin lié ou non, ce que je sais par contre, c’est que l’Afrique est en train de s’autodéterminer et de briser cette relati on historique avec l’Europe pour en bâtir une nouvelle.

Il y a des jeunes artistes, startupeurs, créateurs, chefs d’entreprises ou encore industriels extraordinaires sur le continent africain.  Quelles initiatives pourrait-on prendre afin de changer l’image trop souvent fausse que certains peuvent avoir de ce continent ?

Je pense qu’il faut faire un travail sur le changement de mentalité de certains Africains en premier, car pour véhiculer une bonne image à l’extérieur il faut déjà la créer de l’intérieur. Il existe déjà plusieurs initiatives sur le continent dans le but de véhiculer la vraie image de l’Afrique riche et prospère, mais ces initiatives manquent souvent de visibilité ou de soutien et il revient aux Africains de les partager.

Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, chaque individu peut rendre visible ces initiatives. Il y a aussi les médias africains (tous supports confondus), qui doivent s’impliquer davantage sur une stratégie de communication mettant en avant le continent. Plus important encore, les gouvernants de chaque État africain doivent mettre en place des politiques favorisant le développement de l’Afrique et de son image.

 

Vous avez la volonté d’encourager, de soutenir et de développer la culture africaine. La société civile et les entrepreneurs africains ne devraient-ils pas s’exprimer plus souvent sur la richesse et les opportunités qu’offrent nos deux continents ? Une nouvelle forme d’hybridation, source de créativité, d’innovation et de valorisation réciproque …

Oui, il faudrait plus de communication sur la diversité culturelle qu’offre nos deux continents. J’ai rencontré plusieurs entrepreneurs africains vivant en France qui exploitent déjà cette richesse. Vous avez par exemple le concept “Wax On the Table” créé par Absa SAR CHAY, une marque de vaisselle alliant la porcelaine de Limoges avec les graphismes et couleurs éclatantes inspirés du tissu Wax pour un juste équilibre du blanc et des designs. Il y a aussi le champagne Dian Diallo, la première marque de Champagne qui porte un nom africain, créé par Dian Diallo (d’origine Guinéenne), un champagne qui a été élaboré dans l’art et le savoir-faire de la méthode traditionnelle champenoise de A à Z, de la vigne jusqu’à l’embouteillage. Dans la mode, il y a la marque “Seydi Paris” créée par Hady BARRY (d’origine Guinéenne) une marque de prêt-à-porter qui allie les couleurs du bogolan, du lépi africain au savoir-faire Made in France.

Tous ces exemples montrent la créativité née de la richesse culturelle de nos deux continents. L’objectif de YANKADY est d’apporter aussi de la visibilité à ces produits et de les rendre accessibles aux consommateurs.

Par Brice SOCCOL, le 13/10/2020.

 

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