Après plus de quinze ans dans des fonctions marketing, études et communication dans le monde de l’entreprise, des médias et de la publicité, je décidai, en 2016, de me donner une chance : m’écouter.
Écouter ce que j’avais vraiment envie de faire et de dire. Tout plaquer. Crise de la quarantaine ? Presque. Certains trouvaient ça courageux. Non ; en fait, c’était une nécessité. Je suis “devenue” photographe et consultante en communication. J’avais envie de proposer un service bien spécifique aux entreprises : le récit photo corporate. Il y a eu le temps des commandes (et je remercie toutes les entreprises qui m’ont fait confiance), et le temps de mon propre chemin en photographie. Je me suis intéressée à des sujets graves, lourds et denses. J’étais habitée par des thèmes, des ambiances et des gestes. L’autisme des jeunes adultes, le sans abrisme, et les violences intrafamiliales. Finalement, c’était la rencontre de l’Autre et l’urgence de lui redonner la parole à travers mes photographies.
Aujourd’hui, ce n’est peut-être pas un hasard si je travaille pour la communication de la police nationale, une institution ancrée sur le terrain, dans notre quotidien et au service de chacun pour protéger. Un verbe d’action qui fait le lien dans mon parcours professionnel et personnel.
Ce qui m’intéresse, c’est bien de raconter et de permettre d’incarner l’impact sociétal des entreprises et des institutions qui œuvrent pour une société plus juste et plus fraternelle. Si mon métier à la DGPN ne m’autorise que peu de temps pour ma passion de la photographie, il me permet tout de même de porter des projets qui cassent les codes, redonnent la parole (aux jeunes par exemple) et qui permettent le rayonnement de la marque employeur police nationale et le pilotage de partenariats publics/privés. Ici encore, c’est bien l’image au service du message.
Dans le monde associatif, la photographie était ma façon de prendre la parole pour la redonner à̀ ceux que je rencontrais. Après des recherches personnelles, des lectures, des voyages et des partages, le fil rouge de mon engagement artistique s’est construit autour des femmes. Regarder leurs moments de doute, de ferveur, de bascule, être dans une intimité nouvelle par l’image et le partage, interroger ce qui se joue dans les interstices. Photographier ce qu’on ne dit pas.
Le déclic a été un reportage auprès des femmes sans abri qui vivaient alors dans les sous-sols de la Défense. Neuf mois de maraudes médicalisées avec l’Ordre de Malte et la Croix Rouge où j’ai été confrontée à l’urgence de l’accès aux premiers soins pour ces femmes invisibles. J’aime le temps long de mes reportages même s’il se heurte à l’urgence des situations singulières. Puis, il y a eu Jérusalem, le Népal, l’Ethiopie, les femmes exilées, les paysages et les visages, une boulimie d’expositions photo qui me bousculent comme pour engranger un maximum d’images et de repères. Et dans le même temps, des rencontres cruciales (Marc Pataut, Patrick Zachmann, Bruno Serralongue, Raymond Depardon…). Et puis un jour, “mon” exposition à la mairie du 9ème sur le Trac* (un an auprès des jeunes de la cité scolaire Jacques DECOUR à Paris).
Je suis heureuse et très honorée d’être nominée et de proposer deux séries qui montrent des moments de bascule dans la vie des femmes, qu’elles soient seules ou oubliées ; “Annie” et “Surfaces”.
La rencontre de l’Autre, le temps long, ce qu’on n’ose pas dire et qu’on nous confie grâce à la possibilité du hors champs et la promesse de la lumière sont les moments qui animent ma démarche de photographe et de citoyenne engagée.
Les photos proposées.
- Série “Annie”
J’ai rencontré Annie le 1er octobre 2020 lors d’une distribution alimentaire dans l’Oise organisée par l’Ordre de Malte auprès des personnes isolées. La commande était claire : réaliser le reportage de cette tournée. J’ai revu Annie après. J’ai complété mon reportage avec des photo plus personnelles et des enregistrements audio. Une discussion, un moment clé, une confidence. Annie m’a parlé de son défunt mari, de sa chienne, de sa voiture qui ne roule plus depuis longtemps et de son mariage. Elle m’a parlé des agriculteurs, des betteraves à sucre, des champs tout autour, de ses 300 euros de retraite. Elle a voulu taire son cancer qui frappe la moitié de son corps ; la moitié opposée de celle qui avait paralysé son mari.
J’ai écouté Annie. En l’aidant à déballer ses paniers repas, en discutant, rien que toutes les deux, je me suis dit qu’il n’y avait rien pour Valentin. Valentin avait 7 ans, c’est son petit-fils. C’est dans cette intimité inédite qu’elle m’en a parlé pour la première fois.
- Série “Surfaces”
L’urgence de l’accès aux premiers soins des femmes sans abri sur le site de la Défense. Un site spécifique, car les femmes ne sont pas dans la rue. Elles se cachent. Elles survivent dans les sous-sols de la dalle de la Défense.
L’épreuve de l’Autre. L’épreuve physique du territoire et de ses interstices, apparemment muets. L’épreuve de mon regard sur elles, de leur refus, de leur partage et de leur témoignage. Vivre le doute aussi sur mon rôle et mon action. L’épreuve comme une empreinte : celle du geste photographique et celles des odeurs qu’on enregistre. Un ami m’a dit un jour : “ces femmes-là n’existeront plus dans nos mémoires si on ne donne pas à voir leur réalité, ici et maintenant”.
*Un an de reportage en immersion auprès des élèves de la Cité scolaire Decour à Paris 9ème pour les suivre dans leur apprentissage de la musique, du théâtre et du théâtre d’ombre dans le cadre de leur réécriture du mythe d’Orphée et Eurydice.
Site : http://maudfee.fr
Biographie
Après plus de quinze ans passés dans les rouages du marketing, des études et de la communication au sein d’entreprises, de médias et d’agences de publicité, Maud Fée a ressenti l’appel impérieux de l’authenticité. En 2016, elle décide de s’écouter, de renouer avec une passion enfouie : la photographie.
De retour à l’image est bien plus qu’une simple reconversion. C’est une quête de connexion profonde avec l’autre, une volonté de donner une voix à ceux que la société tend à rendre invisibles. Son parcours est guidé par un engagement social fort, qu’elle exprime à travers ses projets photographiques personnels et son travail au sein de la communication institutionnelle.
Son terrain de jeu s’étend bien au-delà des frontières de l’entreprise. Maud Fée explore le monde avec une curiosité insatiable, allant à la rencontre de l’humain dans toute sa diversité. Ses reportages l’ont conduite aux quatre coins du globe, où elle a capturé des moments de vie, des émotions brutes, des histoires poignantes.
Que ce soit en documentant le quotidien des sans-abris, en explorant les réalités de l’exil ou en travaillant sur des projets institutionnels sensibles, Maud Fée place toujours l’humain au cœur de sa démarche. Son regard, à la fois empathique et engagé, témoigne d’une volonté de comprendre, de partager et de susciter la réflexion.
Aujourd’hui, son travail photographique et son engagement dans la communication institutionnelle se rejoignent dans une même quête : celle de donner du sens, de créer du lien et de contribuer à une société plus juste et plus fraternelle.
LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/maud-f%C3%A9e-97525316/