«Après le confinement, quel impact aura la crise sanitaire sur l’immobilier?» La tribune d’Emily Jousset

On commence à mesurer les conséquences du coronavirus sur la vie économique de notre pays. Certes chacun de nous se recentre sur l’essentiel mais nous restons lucides sur les conséquences sociales, pour anticiper les solutions et aussi… Ne pas laisser dire n’importe quoi.

S’agissant de la production de logements, un dénouement provisoire vient d’être trouvé entre les entreprises du BTP et l’État, qui avait commencé par montrer d’un doigt accusateur des patrons « défaitistes » interrompant leurs activités sans raison. Les raisons étaient bel et bien là, sanitaires et pratiques, et les entreprises avaient évidemment à bon escient protégé leurs ouvriers. Les entrepreneurs pourront garantir la sécurité de leurs équipes.

Deux limites : si elles ne s’estiment pas en mesure de le faire, elles pourront ne pas poursuivre l’activité, et en outre l’acheminement des matériaux, très ralenti, pourra également en conduire certaines à estimer que les chantiers ne peuvent pas être menés à bien. Un point positif quoi qu’il en soit au bout du compte.

La situation n’est guère plus claire dans les services. Pour les transactions : on a assisté à une querelle entre une partie de la profession d’agent immobilier et de promoteur, opposée aux notaires. Là encore, un accord a été trouvé par le ministre de la ville et du logement, sachant que de nombreuses études sur le territoire continuaient à préparer les actes et les signatures d’avant-contrat comme de contrat définitif, souvent gênées par des services publics municipaux ou des conservations des hypothèques eux-mêmes en sommeil…

En clair, les opérations en cours vont pouvoir aller à leur terme, avec l’ultime difficulté de mettre en place des procédures de recueil du consentement et de la signature des parties conformes aux obligations sanitaires. Deux voies : réunir vendeur et acquéreur avec le notaire et éventuellement l’agent immobilier, en privilégiant les pouvoirs, et bien sûr idéalement recourir à la signature électronique.

Locations. La question des recherches de logements en cours est épineuse. Les visites virtuelles vont se multiplier. Pour des locations, elles pourront suffire à éclairer et provoquer la décision. Le bail se signera aisément à distance grâce à la signature dématérialisée sécurisée. Cette crise va convaincre les sceptiques de s’équiper.

La crise risque de différer les envies d’investir jusqu’à l’éradication effective de tout risque épidémique

Quant aux ventes, il est certain qu’elles ne se concluront pas sans visites physiques. Ces visites semblent contraires à l’esprit du confinement, surtout si les consignes viennent à se durcir. Déjà en l’état, une rencontre, même entourée de toutes les précautions de distance sociale, de port de masque et d’hygiène, ne fait pas partie des situations expressément autorisées. Les diagnostiqueurs de leur côté ont annoncé ne plus intervenir dans les logements occupés. La crise risque de différer les envies d’investir jusqu’à l’éradication effective de tout risque épidémique.

On n’a rien entendu en revanche sur le péril pesant sur les professionnels de la gestion. Le président de la République, a demandé que les locataires professionnels soient exonérés de loyer si leur situation l’exige. Les spécialistes de la gestion des baux commerciaux, administrateurs de biens ou property managers, vont se trouver privés de rémunération : ils sont rétribués en pourcentage des flux qu’ils contrôlent, et sans flux le loyer, ou simplement avec de moindres flux, leur rétribution va fondre. Dans quelle proportion ? Nul ne le sait encore.

Quant aux locataires de logements, on fait comme si les amortisseurs sociaux promis par le gouvernement allaient sauvegarder la solvabilité de tous les ménages. Ce ne sera pas le cas : si les salariés bénéficiaient d’un traitement protecteur, les travailleurs indépendants, les professions libérales, les dirigeants de société non-salariés verraient leurs charges différées, voire finalement annulées pour les plus atteints par la crise, mais leurs revenus instantanés sont déjà en baisse.

Ceux qui auront convaincu leurs propriétaires mandants de préserver leurs revenus fonciers par des assurances contre les impayés s’en féliciteront. Voilà d’ailleurs qui remet sous les feux de la rampe le débat qu’a suscité la volonté du député Mickaël Nogal de généraliser la couverture contre les impayés locatifs. Ceux qui ne mesuraient pas les aléas et considéraient pouvoir les maîtriser seront inclinés à plus de réalisme… Les syndics de copropriété seront logés à la même enseigne : les appels de charges ne seront certainement pas suivis de règlement aussi diligent qu’à l’ordinaire. Ils alertaient d’ailleurs depuis plusieurs années que les copropriétaires avaient de plus en plus de mal à respecter les échéances de paiement.

Propriétaires bailleurs. Les propriétaires bailleurs qui ne sont pas couverts par une assurance risquent de ne pas recevoir les revenus locatifs sur lesquels ils comptent et ceux, environ 60 %, qui doivent faire face à des charges de remboursement vis-à-vis de leur banque, ne pourront plus faire face à leurs obligations d’emprunteurs. Le gouvernement va devoir sans attendre attirer l’attention des établissements financiers sur la pertinence de reports de créances. Quant aux syndics, s’ils sont dans l’incapacité de payer les fournisseurs de la copropriété, qu’adviendra-t-il ?

Cette période va remettre au premier plan l’obligation de confraternité et de déontologie

On le voit à l’analyse, le pays commence à peine à estimer l’impact de la crise sanitaire sur le fonctionnement de l’immobilier. L’enchaînement des causes et des conséquences va toucher largement les acteurs, des professionnels aux particuliers et aux institutionnels. Le recours aux solutions digitales pour poursuivre l’activité au maximum est crucial : une vertu de cette terrible pandémie sera de balayer les états d’âme relatifs au numérique dans les métiers de l’immobilier.

Cette période va également remettre au premier plan l’obligation de confraternité et de déontologie : le moment est inopportun pour les acteurs de se rejeter la responsabilité du ralentissement de l’activité. Elle va également montrer l’utilité des organisations professionnelles pour accompagner les professionnels, rôle qu’elles ne placeront jamais assez au cœur de leur raison d’être.

Emily Jousset est présidente de l’Unis Ile-de-France Grand Paris.

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