Ghada Hatem – gynécologue-obstétricienne

Ghada Hatem – gynécologue-obstétricienne, ancien chef de clinique des hôpitaux de Paris

BIOGRAPHIE

Ghada Hatem est gynécologue-obstétricienne, ancien chef de clinique des hôpitaux de Paris.
Elle a exercé comme chef de service à la maternité des Bluets et de l’hôpital Delafontaine, et travaillé à la maternité militaire de l’hôpital Bégin. Soucieuse d’offrir aux patientes la prise en charge la plus complète, elle crée un premier centre d’Assistance Médicale à la Procréation à la maternité des Bluets en 1996, puis un 2eme à l’hôpital Delafontaine en 2012. Elle y implante également une unité de prise en charge des cancers du sein en partenariat avec l’Institut Curie, puis une unité de réparation des mutilations sexuelles (14% de la patientèle de ce territoire est victime d’excision).
Convaincue que les violences faites aux femmes ont un impact sur leur santé, et que les gynécologues et les sages-femmes sont les interlocuteurs les plus adaptés pour cette prise en charge, elle ouvre en juillet 2016 la Maison des femmes de Saint-Denis, première structure de soins dédiée à la prise en charge holistique de la violence.


TRIBUNE

Les freins, entraves, menaces que la, ou plutôt les sociétés font peser sur les femmes sont nombreux, et parfois tellement subtils qu’elles finissent par les reprendre à leur propre compte dans une forme d’auto-censure, mettant en place elles-mêmes ce fameux plafond de verre qu’elles dénoncent régulièrement.
Il y a bien sûr l’omniprésence masculine dans les métiers scientifiques et techniques. On sait pourtant aujourd’hui que nombre de découvertes essentielles ont été faites par des femmes que l’on a invisibilisées. Qu’elles soient épouses, sœurs, élèves ou collaboratrices, leur contribution se dissout dans celle de l’homme, qui seul reçoit les honneurs. Le destin d’Hypatie (370-415) professeure de mathématiques, d’astronomie, de physique et de philosophie à Alexandrie, qui périt lynchée et brûlée a certainement servi de repoussoir pour ses suivantes. Ou celui de Sophie Germain, qui dut se déguiser en homme pour pouvoir étudier les mathématiques et dont les brillantes conclusions n’ont pas été publiées du fait de son sexe.
Joli contre-exemple de cette minimisation (qui a été théorisée sous le nom « d’effet Matilda »), Marie Curie est le parfait role model inspirant pour nos jeunes étudiantes. Non contente de partager son premier Nobel avec son époux Pierre, elle s’octroie le luxe d’en décrocher un 2ème en son nom propre. Encourager les filles à oser, sans attendre une quelconque autorisation pour s’émanciper, est une démarche salvatrice. Dans un autre domaine, que d’artistes masculins ont fait main basse sur l’œuvre de leur compagne en toute impunité : Willy et sa Colette, Robert Schumann avec Clara, ou encore Rodin et Camille Claudel.
Plus révoltantes encore que le déni et l’invisibilisation, les traditions néfastes auxquelles les sociétés soumettent les femmes sont autant de freins à leur émancipation : des plus emblématiques telles que le repassage des seins, l’excision, le mariage forcé ou le crime d’honneur, aux plus perfides : entrave à l’éducation, obligation de virginité, et dans une grande partie de la planète, le fameux devoir conjugal.
Mais il est un frein universel dont toutes les sociétés abusent, je veux parler de la fameuse loi du silence qui contraint les femmes à ne rien révéler : parce qu’elles sont sous l’emprise d’un homme ; par loyauté envers leur famille malgré des agressions sexuelles commises en son sein ; ou encore face à la culpabilité que cette société leur renvoie si jamais elles s’avisaient de mener leur époux (et père de leurs enfants !), ou encore leurs propres père, frère, grand-père en prison. Entourage familial et social, policiers, gendarmes et juges se liguent alors contre elles pour protéger un ordre immuable.

Tous ces freins se conjuguent au sein de nos consultations. Que nous soyons médecins généralistes, gynécologues, psychiatres ou sages-femmes, nous sommes aux premières loges pour recueillir leur parole et accompagner nos patientes dans leur compréhension.
Et dans ce domaine de la santé des femmes, il est un frein encore plus violent et injustifiable: le non droit des femmes à disposer de leur corps, donc de leur sexualité et de leurs capacités reproductives.
Ainsi, une demande de stérilisation définitive par une jeune femme sera toujours, et malgré une loi plus respectueuse du choix des personnes, accueillie avec mépris, tant seul un destin de mère semble concevable pour la société.
Et s’il est communément admis qu’une « femme honnête n’a pas de plaisir », il est encore plus banal et fréquent d’entendre des hommes (et parfois hélas des femmes) donner leur avis sur la question de l’avortement, affirmant que ce geste est particulièrement traumatisant et qu’il y est question de tuer un enfant. Ces mêmes défenseurs de la vie n’ont aucun remords et pas plus d’empathie en traversant nos villes où des enfants mineurs, non accompagnés et non désirés, achèvent de se détruire par la prostitution ou la consommation de produits toxiques. Ils ont oublié leurs grands-mères usées avant l’âge par des grossesses qui se succèdent et qui leur sont parfois fatales. Ils ne veulent pas entendre parler de ces centaines de milliers de femmes qui, avant la loi sur l’IVG, préféraient prendre le risque de mourir en avortant que d’accoucher d’un enfant non désiré.
Jeune médecin j’avais eu la naïveté de penser que, après Lucien Neuwirth et sa pilule, après Simone Veil et sa loi, ce droit essentiel était acquis pour toujours.
Or aujourd’hui, nous assistons, impuissants malgré notre mobilisation, à la condamnation de l’IVG dans de nombreux pays européens, dans certains états américains, et même à l’Élysée.
Il ne s’agit pas d’un combat uniquement féministe, il me semble qu’au vu des enjeux il est également humaniste.
La culture patriarcale et l’impunité des violences, qu’elles soient éducatives, sexuelles ou sociales infligées aux femmes et aux enfants sont les principaux freins que la société met en œuvre, mais ils ne sont pas inéluctables et nous pouvons reprendre le pouvoir sur nos vies. Ne nous laissons pas manipuler, ne nous laissons pas diviser, résistons, encore et toujours.

Ghada Hatem

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