L’innovation partenariale au service de l’innovation médicale
Par Olivier Vallet, Directeur général adjoint Hôpital Marie Lannelongue
Pour permettre à l’hôpital de poursuivre une politique de recherche et de développement d’excellence, dans un contexte budgétaire contraint, les grands acteurs du monde de la santé doivent renouveler leur logiciel de coopération en favorisant la création de valeur.
Les hôpitaux participant aux activités de recherches et d’innovations, qu’il s’agisse des Centres Hospitalo-Universitaires (CHU), d’Etablissements Privés à but non lucratif (ESPIC,) ou encore des Centres de Lutte Contre le Cancer (CLCC), sont tous confrontés à des problématiques d’investissements ayant pour dilemme majeur : comment poursuivre une politique de recherche et de développement qui a permis à notre pays de disposer d’un des meilleurs systèmes sanitaires, sans majorer leur endettement et mettre en péril leur équilibre économique futur.
D’autant que le positionnement sur l’excellence médicale ne doit pas nous faire oublier notre responsabilité sociétale face à la dépense de santé qui depuis deux décennies, augmente de manière plus importante que notre produit intérieur brut, passant de 5,2 % du PIB en 1970, à 11 % en 2015, selon l’OCDE.
Une standardisation poussée à outrance
Le financement actuel des hôpitaux est basé sur une méthode dite aux séjours (T2A, Tarification A l’Activité). Pour une même famille de prise en charge, chaque établissement bénéficie d’une rémunération identique. Si cette réforme a eu des effets positifs réels en incitant les acteurs médicaux et gestionnaires à dialoguer, en permettant une culture économique du « monde » médical, et en entrainant l’hôpital dans une dynamique de recherche de l’efficience, elle a aussi favorisé la massification et la standardisation au détriment de la spécialisation et de l’innovation.
Même les aménagements techniques par des crédits fléchés (Missions d’Intérêts Générales), se révèlent peu adaptés aux spécificités des services de pointe et largement contre incitatifs à la prise de risque d’investissement coûteux pour développer des nouveaux modes de traitement.
Ne disposant d’aucune marge financière, les équipes hospitalières sont dans la recherche permanente de diminution de coûts de production.
La solution de simplicité serait de renoncer. Renoncer à investir, à accompagner l’innovation médicale, à garder nos meilleurs médecins, à continuer à bâtir ce qui a été réalisé par nos ainés.
Pour rester leader en termes d’innovations technologiques au service des patients, nous devons trouver des solutions pour répondre aux enjeux de demain, sans nécessairement l’aide de l’Etat.
Des partenariats innovants
Un hôpital de référence se doit d’investir régulièrement dans de nouveaux équipements. Prenons l’exemple de la chirurgie thoracique, traversée par une véritable révolution technologique. La chirurgie ouverte classique est remplacée de plus en plus souvent par une chirurgie mini invasive. Le bloc opératoire doit se transformer en spécialisant des salles opératoires en vidéo-chirurgie. De nouveaux robots chirurgicaux permettent de faciliter et sécuriser des interventions complexes, des salles dites hybrides transforment profondément les stratégies thérapeutiques en permettant les remplacements de valves cardiaques uniquement par voie endovasculaire, la mise en place de prothèses aortiques en utilisant des procédures de fusions d’images et de réalité augmentée.
Pour accompagner cette évolution, une nouvelle offre économique est en pleine structuration. Des acteurs industriels du dispositif médical ou des constructeurs d’équipements médicaux proposent des modalités d’accompagnement associant financement et recherche d’efficience.
Ils ne se présentent plus uniquement comme des vendeurs de matériels, fussent-ils innovants, mais cherchent à structurer des offres de services qui puissent les différencier de leurs concurrents, avec des filiales qui se spécialisent dans cette fonction.
Une approche qualitative
Ces propositions s’appuient sur une stratégie de croissance et de création de valeur, de développement de nouvelles formes de formation professionnelle, de mise en œuvre de nouvelles modalités de prise en charge pour répondre aux défis de maîtrise des coûts de notre système sanitaire, d’innovations médicales et d’amélioration d’efficience.
Cette création de valeur doit bénéficier autant à l’industriel qui accroit sa part de marché, qu’à l’hôpital qui peut accéder à l’investissement et à l’ensemble des services associés par l’intermédiaire d’un coût à la procédure et d’une remise variable liée à la croissance.
Ce type de contrat ne peut s’envisager que dans la durée. Il s’agit non plus d’un accompagnement classique comme peut le proposer une société de conseil, mais d’un partenariat qui doit intégrer un réel partage du risque afin de mobiliser les deux acteurs vers des objectifs communs.
Il faut pour autant être attentif à l’indépendance médicale. Les choix médicaux doivent toujours être guidés par l’intérêt du patient. Le contrat doit prendre en compte cet élément essentiel.
Face à des contraintes économiques toujours plus fortes, l’hôpital doit trouver de nouvelles modalités de financement. Ce type de partenariat où acteurs hospitaliers et industriels travaillent ensemble dans une même logique d’efficience et d’innovation est une piste à explorer d’urgence.
Olivier Vallet (Directeur général adjoint Hôpital Marie Lannelongue) – L’innovation partenariale au service de l’innovation médicale – tribune parue dans Les Echos le 30 novembre 2017.