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Taxis/VTC : il faut régler la question du temps de travail

S’assurer que taxis et VTC soient soumis aux mêmes règles sur le temps de travail, c’est permettre une concurrence saine, tout en garantissant la sécurité des usagers.

Depuis près de trois ans, le marché du transport public de personnes, bousculé par l’arrivée de nouveaux acteurs, ne vit plus qu’au rythme d’un conflit qui n’en finit plus entre taxis et VTC . Une opposition qui s’est très vite résumée aux yeux de l’opinion, en une féroce bataille rangée entre anciens et modernes, chacun restant campé sur ses positions. Une vision quelque peu caricaturale, qui empêche de poser les vrais problèmes. Le premier d’entre eux n’est ainsi jamais sorti dans le débat public. Il est pourtant essentiel. C’est celui du temps de travail.

Un taxi parisien a un nombre d’heures limité, par journée, au cours desquelles il peut prendre un client. Un conducteur de car, scolaire par exemple, doit respecter des règles strictes de temps de conduite dont son chronotachygraphe est le témoin infalsifiable.

La question du droit social

Un chauffeur salarié d’une entreprise de VTC a des contraintes similaires, dont son employeur est responsable. Il doit, notamment, prendre au moins une journée de repos par semaine de sept jours et avoir onze heures de repos entre deux journées de travail. Il s’agit là de bon sens, s’agissant d’un transporteur public de personnes, une question élémentaire de sécurité des usagers transportés et de nos concitoyens en général.

Ces règles, limitant le temps de conduite, s’imposent même aux chauffeurs transporteurs routiers de marchandises. Pourtant, elles ne s’imposent pas à la plupart des applications mettant en relation un client avec un VTC. En effet, les chauffeurs sont souvent des indépendants, autoentrepreneurs ou dirigeants de sociétés souvent unipersonnelles. À ce titre, ils peuvent conduire aussi longtemps qu’ils le souhaitent (ou le doivent). Résultat, aujourd’hui, des chauffeurs Uber (ou autre) faisant des journées de 16 heures ou plus, sept jours sur sept, ne sont pas l’exception, mais malheureusement la norme.

C’est d’ailleurs une des principales raisons pour laquelle Uber veut à tout prix éviter de voir ces chauffeurs indépendants requalifiés en employés. Car non seulement les charges qu’Uber aurait à payer seraient supérieures à celles aujourd’hui supportées par les chauffeurs, mais surtout, il aurait à leur faire respecter le droit social applicable et, en particulier, le temps de travail. Uber, comme une entreprise salariant ses chauffeurs aujourd’hui, en serait en effet responsable. Or, le faire, changerait l’équilibre économique de son modèle. La disponibilité des véhicules en serait affectée et les prix augmentés. Mais, cela ne serait-il pas normal, pour des questions de saine concurrence d’une part, et surtout pour des enjeux de sécurité, d’autre part ?

Une même règle pour tous

En imposant à tous les acteurs du transport public de personnes, taxis, salariés d’entreprises de VTC ou VTC indépendants, de respecter les mêmes règles en matière de temps de travail, le régulateur qu’est l’État, et plus globalement le législateur, remplirait pleinement son rôle : celui de protéger les concitoyens et d’assurer des bases similaires pour le bon développement d’un secteur plein de potentiel. In fine, le juge de paix serait le client final. Il privilégierait les meilleurs, au sein des VTC et des taxis, pour le servir. Et là, il n’y aurait plus de contestation possible. Certains VTC prospéreraient, certains taxis aussi. D’autres disparaîtraient. Le marché, une fois structuré, se renouvellerait sainement.

Vu d’aujourd’hui, on n’en prend malheureusement pas la direction. Les victimes sont faciles à identifier : le consommateur final qui voit la qualité de service diminuer et sa sécurité mise à mal, et le chauffeur dont les revenus diminuent à mesure qu’on lui demande de plus travailler. Et, partant, l’Etat aussi dont les recettes fondent. À l’exception de quelques sociétés qui surfent sur l’excitation irrationnelle d’investisseurs en mal de placements, tout le monde est perdant.

Il devient donc urgent de définir le cadre au sein duquel taxis et VTC pourront se mener une concurrence saine, tout en garantissant la sécurité des personnes. Abolir les règles inutiles et incomprises qui pénalisent les VTC au profit de taxis maintenant bien armés pour se défendre et s’assurer que taxis et VTC soient soumis aux mêmes règles sur la question essentielle du temps de travail, suffirait à le faire. Une réforme juste et équilibrée au nom du progrès social auquel vous êtes particulièrement attachée et au profit de tous : clients, chauffeurs et État.

Guillaume Connan (Directeur général CHABE) – Taxis/VTC il faut régler la question du temps de travail – tribune parue dans Les Echos le 28 septembre 2016.

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